Mehdi Cayenne Club a sorti récemment un nouveau morceau, "Je te vois": à cette occasion, nous sommes allés lui poser quelques questions. Dans cette entrevue, Mehdi nous parle de la Compagnie Créole, de Gaston Miron, d'un "vibe" funk rétro-futuriste/bruitiste et de ciré jaune.
- Bonjour Mehdi Cayenne Club, merci d’avoir accepté cette petite entrevue. Alors pour commencer, une petite précision : vous êtes un trio, c’est ça ?
Parfois! Mehdi Cayenne Club c'est un vaisseau d'or, un club d'évadés de prison, une prison qui se trouve dans nos têtes. Alors des fois c'est moi et mes multiples identités – mais c'est aussi François Gravel qui tire la langue de ses claviers et Olivier Bernatchez qui carambole ses percussions.
- Quelles sont vos influences musicales francophones ?
En vrac : Chopin, IAM, Jean Leloup, la Compagnie Créole, Richard Desjardins, Amadou et Mariam, Brigitte Fontaine, les Colocs, Amédé Ardoin... Dans mes collègues de la relève, je pense à Alaclair Ensemble, Klô Pelgag, FET NAT, Violett Pi, le Havre, Caltâr-Bateau, et d'autres encore!
- La vidéo pour le morceau « L’art pour l’art » est pleine d’humour et d’autodérision, ce qui rend vos paroles pessimistes plutôt ironiques : comment avez-vous pensé la réalisation de la vidéo ? Quel message vouliez-vous faire passer ?
Je ne suis pas friand de messages, mais vu que le texte est assez revendicateur/à fleur de peau, j'aimais bien l'idée d'incarner un protagoniste empreint de fausse noblesse, avec ses larmes de crocodile... Histoire de sortir du paradigme « Vois comment le monde va mal, regarde dans mes yeux, je suis le chevalier blanc de la chanson francophone! », et de rappeler qu'en quelque sorte, nous avons tous les mains sales...
J'aime bien les parallèles entre les trois tableaux : rockstar, politicien, clown... Et puis surtout le rôle des jeunes : tour à tour victimes, employés, louangeurs, clients, et puis prédateurs.
Ça rentrait dans un des sous-textes majeurs de l'album NA NA BOO BOO : si vous mettez des bâtons dans les roues à la jeunesse, elle vous mangera tout rond. J'aime bien cette juxtaposition entre tendre et impitoyable – et dans le contexte du vidéoclip, entre célébration et destruction.
- Vous avez sorti un nouveau morceau extrait de votre nouvel album Aube qui sortira à l’automne. Le morceau « Je te vois » a des sonorités un peu plus pop que votre dernier album NA NA BOO BOO, qu’est-ce qui vous a inspiré ce changement ?
Je continue à explorer l'immédiateté dans mes chansons – à mon sens mes chansons sont toujours pop! La majorité de mon intérêt en chanson est la juxtaposition entre des éléments familiers et des éléments plus étranges.
NA NA BOO BOO était plus abrasif, plus « punk-rock ». Cet album est plus subtil, plus mélodramatique aussi : j'ai fusionné mes chansons qui pour l'occasion, étaient hyper-romantiques, lyriques, très classiques – Van Gogh avec une guitare – avec des influences trip-hop, old-school funk, ghettotech, R&B. Dans mes chansons, il y a toujours des dimensions sacrées et profanes qui se chevauchent.
- Le morceau « Je te vois » est très mystérieux et intriguant : qui est cette princesse du vent à la langue d’oiseau ?
Ah, mystère! J'ai été à l'époque foudroyé par une rencontre, de laquelle m'est venu un torrent de textes et de chansons... « Aube » est un album en forme d'histoire, un amour impossible sous fond de film noir. Tout l'album raconte la relation entre ces deux personnages, avec des images sorties du quotidien qui laissent transparaître des inspirations d'hymnes, d'odes au sacré, et puis des éléments dérangeants, à la limite du thriller. Comme Amélie Poulain dans un film de David Lynch.
- Vos textes sont très poétiques, avez-vous des influences littéraires précises à ce niveau-là ? Qu’est-ce qui inspire l’écriture de vos textes ?
J'écris depuis que j'ai six ans – c'est ce que je fais depuis le plus longtemps dans ma vie. C'est ma manière de comprendre le monde qui m'habite et qui m'entoure. C'est drôle : j'ai grandi au Québec, en Acadie et en Ontario, mais je suis d'origine Algérienne et Française, et on retrouve ça dans mes textes... Je suis issu de 14 générations d'Imams Sufi (la branche mystique de l'Islam), où l'on retrouve une sensibilité poétique où je me retrouve – mélangé avec des images du quotidien qui se réfèrent à leur manière au sacré, comme le faisait si bien Jacques Prévert, par exemple. J'ai l'impression d'opérer dans une tradition assez lyrique, romantique et humaniste – je pense à Sol (Marc Favreau), Gérald Godin, Léonard Cohen, ou Romain Gary par exemple... Mais surtout pour cet album, peut-être. À d'autres moments j'ai des goûts poétiques beaucoup fractionnés, déconstructifs (William Burroughs, Gaston Miron)...
Toutes ces références littéraires et cette description de ma démarche artistique me donnent une allure très réfléchie. Mais ces réponses n'existent que parce que vous me posez la question. En fait je tâtonne dans le noir comme tout le monde, et j'écris simplement pour que ma flamme vive.
- Vous chantez en anglais et en français, avec quelle langue êtes-vous le plus à l’aise sur scène ?
Le français est ma langue maternelle, donc évidemment.... Mais je parle anglais depuis que je suis tout bébé, donc je suis parfaitement bilingue... Ce sont simplement des cultures distinctes, et complémentaires pour moi.
- Vous écoutez quoi en ce moment ?
Tom Zé, Death Grips, Archery Guild, Saul Williams, Tribe Called Red, Deerhoof, Betty Davis... J'oriente mon avenir musical proche vers un « vibe » funk rétro-futuriste/bruitiste. On va voir si je récolte ce que je sème!
- Êtes-vous déjà venus à Tadoussac ?
Non, j'espère avoir la visite de la Grande Baleine à l'Auberge!! Mais franchement j'ai super hâte – et puis François vient du Saguenay (il a « le son du Lac » jusqu'au bout des doigts!), alors il y aura un petit élément de retour aux sources (oui, j'ai la nostalgie facile). Ce sera la grosse fête, en ciré jaune s'il le faut! Ça va être génial.
Et puis, note finale : merci beaucoup pour ces bonnes questions réfléchies et attentives – j'apprécie énormément. À bientôt sur la route!
Festival de la Chanson de Tadoussac
Jeudi 11 juin 23h30 - Auberge, site Belle Gueule
Vendredi 12 juin 23h30 - Auberge, site Belle Gueule
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